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1948-07-12, Denis de Rougemont à Alice de Rougemont

Chère Mère,

Je comptais venir à Areuse aujourd’hui, mais cela s’arrange mal. Je dois travailler demain chez Kündig à Genève qui a imprimé mon petit livre sur l’Europe pour Hauser. Et une amie de New York, la baronne d’Estournelles de Constant est arrivée hier, et loge dans la petite maison pour 48 heures. D’autres amis ont passé la semaine dernière, et j’attends une réponse qui tarde de deux amis censés arriver le 15. S’ils renvoient, je ferai un saut à Chaumont et Areuse vers le 15. Le 18, les Etting débarqueront ici pour quelques jours. Puis ce sera le retour de la famille. (Qui a eu un voyage de vingt-quatre heures ½ jusqu’à l’île de Ré.)

Je travaille un peu au jardin, et dois travailler à d’autres choses aussi… J’ai passé une semaine à Paris, en tourbillon, rendez-vous d’affaires, dîners, deux grands bals de la « Haute », un déjeuner chez la duchesse de La Rochefoucauld, une fête avec la princesse de Broglie, des cocktails américains, etc. Je suis rentré tout étourdi, ayant eu mon compte de grand monde pour la saison.

Merci pour la lettre de M. Robert-Tissot que je te retourne ci-joint, — heureux de l’avoir lu.

[p. 2] Si je viens le 15 ou le 16, j’avertirai par téléph. ou télégramme.

Peut-être serai-je obligé d’aller encore à Paris deux-trois jours, en avion comme toujours, ce n’est vraiment rien (1 h 20). Simonne m’écrit qu’elle compte passer par Paris au retour, ce sera moins fatiguant pour les petits. Je les ai donc embarqués lundi dernier. Nino avait très peur que ses animaux meurent avant son retour, et voici une série de décès qui confirme ses noirs pressentiments : les cinq petits canards disparus ou dévorés (quelques restes dans le poulailler) par un monstre inconnu ; trois jours de suite, un lapin mort dans sa cage ; et hier, un des deux petits chats disparus. Denise est accablée, mais n’y pouvait rien. Il faudra que je communique ce triste bulletin avec beaucoup de ménagements.

Sur quoi je vais achever de faucher un bout de pré.

Mille choses affectueuses, aux Max aussi, et à bientôt j’espère.
Denis