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1951-08-01, Denis de Rougemont à Alice de Rougemont

Chère Mère,

Merci de ta bonne lettre et de l’invitation à t’accompagner à Gorgier. Hélas, je dois être à Rome les 7 et 8 août, de nouveau, pour les affaires du Centre et du Congrès, et ne serai pas de retour à Ferney avant le 10. Je croyais que les noces d’or d’Oncle Louis seraient célébrées en juillet. Le fait que je ne les manque que de trois jours augmente mes regrets. Je ne puis atteindre les gens à Rome pour tout changer. Les lettres mettent trois ou quatre jours pour arriver ici, même d’Italie. Je suis d’ailleurs plongé dans le travail, et le resterai jusqu’à la dernière minute ici, le 6 août. Ensuite, j’aurai une dizaine de jours à Ferney (je me ferai quelques repas et prendrai les autres au café du village ou à Genève) et j’espère pouvoir avancer suffisamment mon livre commencé ici. Je l’intitule provisoirement : Le Sens de nos vies, ou l’Europea. Avant de s’y mettre, et pour rapprendre à écrire, j’ai fait trente pages sur mon voyage aux Indesb.

Il fait uniformément beau dans ce plus beau lieu de la Terre. Vingt secondes de pluie en tout, depuis trois semaines. Je me baigne peu, c’est trop loin d’ici, mais je fais de longues promenades sur la montagne et vers les côtes.

[p. 2] Je n’ose penser qu’il me faudra quitter cette île dans quelques jours. Greene m’écrit qu’il espère m’y revoir…

J’ai envoyé un message de 1er août aux jeunes fédéralistes européens de Suisse. Ils me disent que ce sera publié dans les journaux.

Merci d’avoir été si bonne pour Nino. D’après A.-M., il a eu un bon séjour, malgré son humeur de révolte à Ferney, avant de venir. J’ai reçu une adorable lettre de Nanette, si bien écrite ! Ce sera un écrivain.

Dis à A.-M. que je lui écris et qu’elle aura ma lettre vingt-quatre heures après celle-ci. Je l’enverrai à Areuse, ne sachant où elle est ces jours-ci.

À bientôt tout de même, je passerai sans doute à Areuse entre le 10 et le 20 août (si je puis échapper à un voyage de 48 heures à Paris, qui m’assomme).

Je t’embrasse filialement.
Denis