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1933-04-03, Denis de Rougemont à Alice et Georges de Rougemont

Chers parents,

Je compte arriver à Areuse lundi, matin ou soir, je ne le sais pas encore. (Cela dépend de la latitude que me laisseront les directeurs de « Je sers ». Je voudrais avoir une dizaine de jours de vacances.)

Roland vient de passer une semaine à la maison. Nous en avons profité pour retourner, comme au temps de l’Hôtel Corneille, à quelques théâtres et concerts admirables. Il m’a dit vous avoir vus au mariage Boitel, ainsi que Pierrette — seul membre de la parenté que je voie de temps à autre, et encore, pour affaires.

J’ai donc, wie gesagt, pas mal de choses à vous raconter, intéressant au plus haut point mon avenir — et celui d’une exquise jeune personne que vous ne connaissez pas encore — mais cela ne saurait tarder. Il m’est impossible de vous en raconter beaucoup plus par écrit. D’ailleurs, puisque j’arrive lundi, vous n’aurez pas le temps de [p. 2] faire trop de suppositions : Sachez seulement que les plus agréables seront les plus vraies — moralement s’entend, car pour le reste je pense que vous n’avez jamais sérieusement cru que je vous amènerais une duchesse milliardaire.

Ceci pour amorcer un récit plus détaillé que je me réjouis de vous faire.
À très bientôt, donc.
Votre fils affectionné
Denis

 

P.-S. Avez-vous encore le Journal de Genève ? Il y a paru un bon petit article sur le Paysan, élogieux bien que l’auteur n’ait pas tout à fait compris le sérieux de la choseb. Lisez-vous les articles politiques de Pierre Jeanneret, qui a succédé en partie, et provisoirement, à W. M. ?