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1951-09-07, Denis de Rougemont à Alice de Rougemont

Chère Mère,

Grand merci pour ta lettre et ton cadeau, qui viennent de m’arriver pour la veille de mes 45 ans. Ton fils a les tempes grises mais le cœur jeune. Je serais effrayé par mon âge, si je ne me sentais pas au début d’une vie nouvelle, tant intime que publique. Je l’aborde avec confiance et patience. Je ne suis pas encore au bout de mes peines, — on ne l’est peut-être jamais — mais je sais ce que je veux et comment l’obtenir.

Il y aura un retard de quelques mois pour le divorce de Nanik : ce ne sera pas terminé avant décembre, pour des raisons techniques (tribunaux surchargés). Elle cherche une occupation payée pour les mois qui viennent.

Je suis certain que tout s’arrangera très bien avec les enfants. Nino l’aime beaucoup, devient tout gai dès qu’elle arrive ici, me demande toujours de ses nouvelles. Nanette s’attend à ce que je me remarie, et me pose des questions là-dessus.

Les examens de Nino — les écrits — ont mal marché, me dit-il. Je ne sais ce qu’il faudra faire, tant que le directeur de l’École int. n’aura pas décidé s’il garde Nino. Je le saurai, je pense, dans une semaine.

Dimanche, je m’en vais de nouveau [p. 2] pour six jours, présider un groupe d’écrivains à la campagne, près de Strasbourg. Du 20 au 24 sept. je serai à Hambourg. Impossible d’assister au vernissage d’Oncle Edmond, j’en suis peiné, mais je verrai certainement l’exposition un peu plus tard.

Tes deux filles vont revenir, de sorte que tu ne seras plus trop seule. Quand viendras-tu à Ferney ?

Ton fils affectionné
Denis

 

Nino a été très content à Areuse, et il est de nouveau en confiance avec moi.