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1945-09-27, Georges de Rougemont à Denis de Rougemont

Mon cher Denis,

Tes lettres moins rares, nous arrivent aussi beaucoup plus vite ; celle que tu nous écrivais le 7 septembre nous a été remise le 17.

Fais tout ton possible pour nous revenir cet automne. Nous avons besoin de te revoir, de te retrouver, d’entretiens qui nous apportent quelque apaisement ; il faut surtout aussi que tu sentes notre sympathie. D’ailleurs ta présence en Suisse s’impose en ce moment ; il y a des choses à mettre au point ; publications, réécritures, relations avec Hauser, Gallimard, et autres éditeurs. De tous les côtés, des amis me disent leur ardent désir de te savoir en Suisse, inspirant tant à nouveau la pensée protestante. Des rédacteurs de périodiques suisses et étrangers, me demandent ton adresse. Nous avions l’autre jour une Retraite [pastorale] à Vaumarcus. « Nous avons besoin de [p. 2] Denis, absolument, et tout de suite », me disaient tes amis, les Dominicé, Secrétan, des rédacteurs de nos hebdomadaires, de nos quotidiens, les responsables de nos éditions protestantes ; on compte sur toi pour mettre sur pied un grand spectacle pour magnifier [la paix], je ne sais où ni quand… Les portes sont prêtes à s’ouvrir dans nos églises romandes, comme dans un enclos littéraire. Gilbert Trolliet me demandait la semaine dernière de lui passer un article quelconque de toi — pourvu qu’il fût inédita — pour l’organe qu’il va lancer ; lui ayant répondu que je n’avais rien, il me dit qu’il allait s’adresser directement à toi. En attendant, des bienveillants m’ont procuré quelques-uns de tes articles au Figaro ; l’hebdo de Neuchâtel en a reproduit un (à propos de la bombe atomique). Ces compositions me paraissent être des modèles du genre ; tu n’écris jamais pour ne rien dire ; c’est une de mes fiertés !

À propos de finances, maman qui, à mon insu, t’a donné des renseignements, n’a pas tardé à se rendre compte qu’ils étaient inexacts ; ce qu’elle t’eût fait savoir dès qu’elle s’en fût aperçu. Tu ne disposes ici [p. 3] que de quelques centaines de francs (1000 environ) ; il est vrai que Hauser a du retard dans ses versements ; j’exigerai, avant longtemps, qu’il s’exécute. La somme perçue pour les représentations à Neuchâtel de Nicolas de Flue, t’as été remise intégralement par 2685 en juillet 1942. Oncle [Illisible] Bovet t’ayant avancé fr. 500, nous les avons remboursés chez Clerc, à Neuchâtel, en déc. 1941. Je te donnerai le détail des comptes quand tu seras là. De Plon [Illisible], j’ai reçu, depuis ton départ, deux versements de fr. 315 et de 131, respectivement. De la Baconnière, en 3 versements : 500, 250, 315 : de la Radio : 46,70. Collaboration au Journal de Genève, Gazette, Basler Nachrichten : 110, 60 et 46 ; de Foetisch : 176,90…

Quant aux articles d’Esprit et Hic et Nunc que tu nous demandes, nous n’en avons plus. Dans ma collection Hic et Nunc, il me manque trois numéros, au nombre desquels se trouvent précisément, et malencontreusement, celui qui a publié « La Mort du Grand Pan ». Quant au numéro d’Esprit, nous l’avons trouvé, mais dépouillé de ton étude « Définition de la Personne ».

[p. 4] Tu auras déjà reçu quelques coupures de journaux, comptes rendus de tes deux derniers livres : je les avais remis à Max par la valise diplomatique. En voici un autre lot, que je joins [Illisible] que je t’adresse par la voie ordinaire.

Je t’embrasse bien affectueusement, mon cher Denis, et maman en fait autant.
Ton vieux père
Georges de R.

 

Réflexion faite je vais transmettre cette enveloppe à Max pour la valise diplomatique ; tu l’auras plus vite, vraisemblablement.