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1952-03-21, Denis de Rougemont à Alice de Rougemont

Chère Mère,

Nous voici rentrés d’un voyage de dix jours en Italie : cinq conférences, à Turin (1500 auditeurs !) Gênes, Milan (dîner chez le duc Visconti), Rome, et Sermoneta (château du xiiie siècle, grand comme une ville, où se tenait une réunion d’étudiants). Assez fatigant, et un froid pire qu’à Genève les jours de bise, mais intéressant et souvent amusant. Revu de bons amis à Rome, et visité des fouilles étrusques, où j’ai eu la chance de trouver une demi-statuette du viie siècle avant J.-C. !

En rentrant à Ferney, trouvé Nino malade. Heureusement qu’Anne-Marie était revenue lui tenir compagnie pour quelques jours. Il avait une très forte fièvre, on ne savait ce que c’était, le médecin du village parlait de grippe. Nous avons fait venir un très bon docteur de Genève qui l’avait déjà examiné, et qui lui a donné de l’auréomycine, nouveau remède-miracle qui l’a guéri en 48 h. Il doit encore garder le lit pour quelques jours, et rester à la maison jusqu’à Pâques. En somme, il risquait au moins une méningite, d’après le docteur. Je ne me suis heureusement pas rendu compte de la gravité de la menace. A.-M. et Nanik étaient très inquiètes. Tout va bien maintenant, — sauf [p. 2] qu’il aura manqué l’école pendant plus d’un mois ce trimestre, ça tombe très mal.

J’ai beaucoup de travail au Centre, comme toujours, et suis dans une période de conférences qui m’ennuie plus qu’elle ne m’amuse (c’est mêlé). Le 3 mars je parlais à Nancy, à un congrès universitaire très officiel, convoqué par mon Centre. Avant cela à Lausanne. Puis les cinq conférences en Italie. Dans une semaine ce sera Stockholm (en anglais) et les 16 et 18 avril, La Haye et Utrecht. Ouf !

Je dois vite terminer cette lettre — qui ressemble à un communiqué ! — pour la donner à A.-M. qui te la donnera demain, avec des nouvelles plus détaillées de nous tous.

Nanik et moi t’embrassons.
Denis